mercredi 22 octobre 2008

Le Voisin

Sur mon palier se trouve une et une seule autre porte en plus de la mienne. Derrière cette porte habite mon voisin. J'avais déjà rencontré mon voisin une fois dans l'ascenseur, nous n'avions échangé aucune parole sauf un goodbye me sortant spontanément à la place d'un hasta luego au moment de se quitter (la preuve de mon bilinguisme en anglais, le sentiment inconscient de ne pas avoir affaire à un espagnol, ou tout simplement la confirmation d'un niveau zéro dans la langue de ce pays?). Et puis plus rien pendant longtemps; de temps en temps le bruit de la porte d'en face qui se ferme, les volets roulants de la terrasse qui s'ouvrent et les jours de beau temps des voix de conversations téléphoniques en espagnol arrivant jusqu'à ma terrasse et qui se voulaient être la preuve de son hispanité. Puis un jour, sur la porte d'en face, une affiche punaisée portant ces mots:
"Ich wünsche dir Herzlichen Glückwunsch zum Geburtstag, meine Liebe!"

En bon détective privé que je suis, j'ai pu déduire au moins cinq choses de cette pancarte imprimée de rouge:
Primo, il semblerais que mon voisin possède un ordinateur et une imprimante!
Deusio, il va bientôt y avoir un fête dans l'appartement d'en face!
Tercio, mon voisin aurait-il une liaison avec quelqu'un?
Quatro, j'ai quand même un doute quand à la nationalité espagnole de mon voisin!
Cinquio, je suis même prête à mettre ma main à couper qu'il est Allemand!

Je savais bien qu'il y avais un truc qui clochait. Bon, alors, oui, je sais, on va me dire que tous les espagnols ne sont pas bruns avec de la moustache, mais en même temps un blond aux yeux bleus vivant dans l'Altorreal a, statistiquement parlant, environ 5% de chance d'être espagnol! Donc si vous aviez eu à parier sur sa nationalité, à la lumière de ses quelques indices, je pense pouvoir affirmer que vous n'auriez pas choisi Espagnol (pour ma part j'étais partie sur un Suédois). Bref en tout cas, j'ai peu de chances de le voir sonner un jour à ma porte. Les jours ont repris leur cadence habituelle, les portes qui se ferment, quelques bruits de talons sur le palier, de très légers bruits de voix à travers le mur... jusqu'à ce soir!

Mais que s'est-il passé ce soir, vous vous demandez? Je dois avouer que j'aimerais beaucoup vous faire patienter. Je vous tiendrai bien en haleine jusqu'à un prochain article, mais la proximité des vacances (dans deux jours exactement) et mon retour sur Toulouse pour cette période,me suggèrent d'être raisonnable et de ne pas vous laissez vous tourmenter pendant une semaine. Sinon j'en connais certaines qui ne vont plus dormir et attendre devant leur ordinateur jour et nuit un indice salvateur. Je choisis donc de vous conter la petite histoire de la soirée.

Voici donc ce qui s'est passé ce soir:
Il est environ 20h15, je regarde les informations françaises sur France 2, histoire de ne pas être surprise à mon futur retour en France par les nombreux changements opérés par notre cher gouvernement adoré et notre merveilleux président durant mon absence (le cirage de pompe c'est pour ne pas me retrouver sur le fichier EDWIGE dans quelques années). Bruits de voix dans le couloir, normal, comme tous les soirs de la semaine les gens rentrent chez eux. Deux personnes semblent discuter sur le pas de la porte mais je n'y prête pas attention. Le temps passe quand je m'aperçois que les voix résonnent encore dans le couloir. La situation durant, la question se pose de savoir pourquoi les deux personnes ne rentrent pas dans l'appartement pour finir leur conversation. Ma curiosité prend le dessus; je décide de regarder discrètement à travers l'oeilleton la tête des deux locuteurs. Éclairés par la lumière jaunâtre du plafonnier ne tenant plus qu'à un fil, mon voisin et un autre homme causent comme si de rien n'était. Le sujet de la conversation m'échappe jusqu'à ce que mon voisin se penche sur sa porte avec un air interrogatif. J'émets alors la supposition que celui-ci ne peut pas rentrer chez lui et que son congénère a embrassé la carrière de serrurier. Ma curiosité satisfaite, je peux retourner voir la suite du reportage sur les élections américaines. Un certain temps s'écoule, quand soudain le bruit agressif et strident de ma sonnette retentit. Vite, c'est peut-être mon prince charmant qui vient d'un royaume lointain pour me déclarer sa flamme. Où est ma robe, mes pantoufles de vair? Du parfum, un peu de mascara, rouge à lèvre, un coup de brosse dans les cheveux, mes plus beaux bijoux, espérons qu'il ne se soit pas impatienté et qu'il ne soit pas reparti. J'ouvre le coeur battant à la chamade mais, ô rage, ô désespoir, que ne vois-je apparaître: mon voisin. La robe redevint polaire grise, les pantoufles tongs trop grandes et la coiffure genre sortie du lit.
« Hola!
— Hola!
— "Long monologue en espagnol incompréhensible".
— Si,si»
Le voisin, tient une carte bancaire, examine ma serrure et me fait quelques remarques auxquelles je réponds en souriant, puis décidant de sortir de mon rôle d'idiote ahurie je décide de lui demander s'il a besoin de quelque chose pour l'aider à ouvrir sa porte. Je tente la chose en espagnol mais aucun mot ne parvient jusqu'à mon cerveau. La tentative en allemand n'aura pas plus de succès. L'anglais prend alors le dessus et j'ose un:
« Do you need something, like a knife? »
Le voisin parle anglais et m'explique enfin ce qu'il est en train de faire. Il regarde à quel niveau de la porte se trouve la pêne (j'avoue, j'ai cherché le mot sur le net), afin de passer sa carte à travers la fente de la porte et permettre ainsi l'ouverture de cette dernière.
Quelques explications s'imposent pour le lecteur soucieux de comprendre que vous êtes:
Les portes des appartements n'ont pas de poignée à l'extérieur. Il est donc impossible de les ouvrir sans clef même si elles ne sont pas verrouillées.
Je laisse le cambrioleur amateur vaquer à ses occupations quand soudain un grand cri me ramène vers l'entrée. Mon voisin tout fou de joie va enfin pouvoir rentrer chez lui. Il me remercie et nous discutons cinq minutes sur le pas de porte. Suite à son étonnement d'entendre le journal télévisé en français, dans mon appartement, alors que lui ne peut pas le voir en allemand, je lui explique qu'il est possible de regarder la télévision sur Internet! Présentations faites, nous nous souhaitons un "good night" respectif et regagnons nos pénates.

A partir d'aujourd'hui, deux choses sont sûres:
-Si un jour j'oublie ma clef à l'intérieur de l'appartement (certains doivent d'ailleurs trouver bizarre que ça ne me soit pas encore arrivé) j'ai toujours la possibilité d'utiliser ma carte de crédit.
-Si mon voisin veut venir boire un coup chez moi, il n'aura pas besoin que je sois là pour lui ouvrir!

3 commentaires:

Anonyme a dit…

oui mais il a une copine! ça c'est rageant. Dans les films ils utilisent une vielle radioagraphie, mais on en a moins souvent sur soit que des cartes de crédit! svtpower

Anonyme a dit…

Ca, ça me fait drôlement plaisir, Marlou !! :+) Un premier contact réussi ! Allez, sa copine, il la larguera quand il comprendra quelle lumière tu apporteras dans sa triste existence de Suédo-Hispano-Germanique ! :+) Bisou

Anonyme a dit…

aaaah, il ne manquait plus qu'une histoire d'amour dans ton roman!!! c'est chose faite... ou du moins c'est un début.
en tout cas ça me fait plaisir de voyager un peu,
à bientôt bisous nico (dallas)